La fabrication de pièces en fibre de carbone avec moules imprimés en 3D

L’utilisation de la fibre de carbone dans l’industrie est en pleine expansion, notamment dans les secteurs de l’aéronautique, de l’automobile et du sport mécanique. La fabrication de pièces en composites requiert généralement des moules coûteux et longs à produire. L’impression 3D offre une alternative flexible et économique en permettant la création rapide de moules sur mesure. Ce guide explore comment des entreprises comme DeltaWing Manufacturing et TU Berlin utilisent l’impression 3D pour concevoir des moules adaptés au moulage de pièces en fibre de carbone, en réduisant les coûts et les délais de production.

Les composites et leur fabrication

Les matériaux composites, comme la fibre de carbone, sont prisés pour leur légèreté et leur résistance mécanique supérieure. Ils sont composés d’un renfort (fibres) et d’une matrice (polymère, métal ou céramique). Parmi les composites les plus courants :

Fibre de verre : économique, mais résistance limitée.

Fibre de carbone : très légère et résistante, idéale pour l’automobile et l’aéronautique.

Fibre d’aramide (Kevlar) : excellente résistance aux chocs et à l’abrasion

Le processus de fabrication varie selon l’application et les contraintes de production. On distingue principalement trois méthodes :

  1. Drapage en voie humide : la fibre est imprégnée de résine directement sur le moule.
  2. Préimprégné : la fibre est déjà imprégnée de résine et nécessite un autoclave pour polymériser.
  3. Moulage par injection (RTM) : utilisé pour la production en grande série avec injection sous pression.

Dans tous ces cas, la qualité du moule est primordiale. Or, la fabrication de moules traditionnels est coûteuse et contraignante. L’impression 3D permet de pallier ces limites en produisant des moules de manière rapide et économique.

Pourquoi utiliser l'impression 3D pour créer des moules composites ?

L’usinage CNC et le modelage manuel sont les méthodes traditionnelles de fabrication des moules, mais elles présentent des inconvénients majeurs :

  • Coût élevé du fraisage et des matériaux (aluminium, acier).
  • Délais de fabrication longs (plusieurs semaines).
  • Peu de flexibilité pour les itérations et modifications.

L’impression 3D, notamment en résine SLA, offre une alternative plus efficace :

Réduction des coûts : un moule imprimé coûte en moyenne trois fois moins cher qu’un moule usiné.
Délai de fabrication raccourci : impression et finition en 48 heures contre plusieurs semaines pour l’usinage.
Géométries complexes réalisables facilement, contrairement aux moules usinés.
Flexibilité et personnalisation rapide sans nécessité d’outillage spécialisé.

Cas concret N°1 : TU Berlin, la fabrication de pièces en fibre de carbone avec stratification manuelle

La Formula Student est une compétition d’ingénierie qui rassemble chaque année des équipes d’étudiants du monde entier. Leur objectif : concevoir, construire et piloter des voitures de course de type formule monoplace. Parmi les équipes les plus influentes figure FaSTTUBe, la formation de la TU Berlin, qui développe chaque année de nouveaux prototypes depuis 2005 avec une équipe de 80 à 90 étudiants.

Pour la première fois depuis sa participation, l’équipe a entrepris la construction de trois modèles distincts : un véhicule à combustion, un modèle électrique et une version autonome. Entre l’automne et l’été, les étudiants disposent d’une année pour concevoir, fabriquer, assembler et tester leurs véhicules avant les courses. Les performances des équipes sont évaluées sur plusieurs critères, notamment le modèle économique, la conception du véhicule, la gestion des coûts ainsi que ses capacités en puissance, efficacité et endurance.

Lors de la saison précédente, l’équipe avait opté pour l’impression SLS afin de fabriquer ces pièces en un seul bloc monobloc. Toutefois, dans le domaine de la course automobile, la réduction du poids est un critère clé. Dans cette optique, les ingénieurs auraient pu concevoir des poignées de volant allégées en les imprimant évidées, mais une telle solution n’aurait pas offert la résistance nécessaire face à la pression exercée par le pilote.

La fibre de carbone s’est alors imposée comme l’alternative idéale, permettant à la fois d’alléger la pièce et d’en améliorer la robustesse. Felix Hilken, responsable de l’aérodynamique et de la fabrication carbone, a mis au point un nouveau processus de fabrication combinant moules imprimés en 3D et drapage par voie humide. Cette méthode, simple à mettre en œuvre, constitue une excellente porte d’entrée pour la fabrication de pièces en fibre de carbone avec un investissement en matériel limité.

Processus utilisé

  1. Conception du moule : design optimisé avec détails fins et arêtes arrondies.
  2. Impression 3D : utilisation de la résine Formlabs Tough 1500 Resin sur la Form 3 pour un bon équilibre entre rigidité et flexibilité.
  3. Préparation du moule : application d’un agent démoulant (cire + PVA).
  4. Stratification manuelle :
    • Application de la résine époxy sur le moule.
    • Pose successive de trois couches de fibre de carbone.
    • Mise sous vide et polymérisation pendant 48 heures.
  5. Démoulage et finition : ponçage et ébavurage.

Résultats

Tableau Comparatif
MOULE USINÉ NUMÉRIQUEMENT SOUS-TRAITÉ MOULE IMPRIMÉ EN 3D EN INTERNE
Équipement Fibre de carbone, résine, outils, sac de mise sous vide Fibre de carbone, résine, outils, sac de mise sous vide
Imprimante Form 3
Tough 1500 Resin
Temps de production du moule 4–6 semaines 2 jours
Coût de la main-d’œuvre 0 250 €
Coût des matériaux 0 8,5 €
Coût de production total du moule 750 € 258,5 €

Cas concret N°2 : DeltaWing Manufacturing, la stratification de pré-imprégnés sur moules imprimés en 3D

DeltaWing Manufacturing est un acteur reconnu dans le domaine des matériaux composites et des solutions d’ingénierie. Fort de plus de 20 ans d’expérience, l’entreprise fournit des prestations spécialisées pour des secteurs exigeants tels que les sports mécaniques, l’aérospatiale, les télécommunications par satellite et la défense.

Historiquement, la fabrication de composants en fibre de carbone reposait sur un processus classique : usinage d’un modèle, création d’un moule par moulage ou stratification, finition, puis application du préimprégné pour finaliser la pièce. Cependant, pour gagner en efficacité et en flexibilité, DeltaWing Manufacturing a progressivement adopté l’impression 3D en interne pour optimiser ce procédé.

L’entreprise utilise désormais deux approches complémentaires :

  1. Moules imprimés en 3D : adaptés au prototypage et aux petites séries.
  2. Modèles imprimés en 3D : servant de base pour la fabrication de moules en grande série.

Dans le cadre d’un projet pour Panoz, DeltaWing devait produire six conduits d’aération en fibre de carbone destinés à une voiture de course sur-mesure. Afin de réduire les coûts et le temps de fabrication, les ingénieurs ont décidé d’imprimer directement le moule en 3D et de l’intégrer au processus de stratification de préimprégnés.

La section suivante détaille les étapes de cette méthode innovante.

Processus

  1. Impression du moule avec la résine Formlabs High Temp (HDT 238°C).
  2. Préparation : recouvrement du moule avec ruban Kapton pour éviter l’usure.
  3. Stratification de la fibre pré-imprégnée.
  4. Mise sous vide et polymérisation en autoclave.
  5. Démoulage et assemblage des pièces en carbone.
moule imprimé en 3D

Résultats

✅ 6 conduits d’aération fabriqués avec cette méthode.
✅ Durabilité du moule : 10 à 15 itérations avant remplacement.
✅ Temps de production du moule réduit de plusieurs semaines à quelques jours.

Cas concret N°3 : impression 3D de modèles pour la fabrication de moules en grande série

Panoz devait concevoir un conduit d’évacuation de l’air destiné au cockpit d’une voiture de course personnalisée, afin d’optimiser la ventilation et réduire la température intérieure.

Pour répondre à cette exigence tout en augmentant la production, DeltaWing Manufacturing a adopté une approche innovante : l’impression 3D d’un modèle en interne, servant de base à la fabrication du moule final. Bien que cette méthode reste proche des techniques traditionnelles, elle permet de réduire considérablement le temps de réalisation du modèle et d’intégrer des géométries plus complexes lors de la conception.

Cette approche s’avère particulièrement efficace pour la production en volume, en facilitant la fabrication de moules résistants et optimisés, capables d’accueillir des formes plus sophistiquées sans compromettre la robustesse des pièces finales.

Processus

  1. Impression du modèle avec la résine Formlabs High Temp Resin.
  2. Création du moule en résine sur ce modèle.
  3. Stratification et polymérisation en autoclave
Pièce finale en fibre de carbone assemblée sur la voiture de course Panoz Avezzano

Résultats

Comparaison Usinage vs Impression 3D
Usinage CNC Impression 3D
Temps de main-d’œuvre 5,5 heures 1,5 heure
Coût de main-d’œuvre 925 € 250 €
Coût des matériaux 185 € (bloc bleu) 42 € (résine Formlabs)
Coût total 1 110 € 292 €

Conclusion

L’impression 3D révolutionne la fabrication de moules pour pièces en fibre de carbone en permettant :

✅ Une réduction des coûts significative.
✅ Une production plus rapide et flexible.
✅ Une meilleure adaptation aux formes complexes.

Que ce soit pour des séries limitées ou des productions plus importantes, les moules imprimés en 3D offrent une alternative performante et accessible aux méthodes traditionnelles. Avec l’évolution des imprimantes SLA grand format, cette solution devient une référence incontournable pour l’industrie des composites.

 

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